C'est une sale histoire

Publié le par Hugo

Parmi les nombreux rêves qui habitent la pensée de nos contemporains celui d’aller vivre sur une île tient une place privilégiée. L’île c’est l’isolement, le ressourcement, souvent l’exotisme, c’est en tout cas le détachement de nos soucis de terriens, de continentaux, plus l’île est petite plus elle est recherchée, avoir une île pour soi tout seul quel pied (dans l’eau) mais les expériences de nos anciens nous appellent à la plus grande sagesse, tous les Robinson du monde finissent par exprimer cette angoisse qui les a gagné, que faire, que vivre ? Sur une île déserte ? Ne finit-on pas par avoir envie de se jeter à l’eau ou de monter au ciel, ou les deux à la fois.

 Je n’irai pas plus loin vers cette tentation d’une île, Michel Thomas alias Michel Houellebecq aurait même dit sur la possibilité d’une île.(en fait il ne sait pas trop où il est né  le plus probable étant La Réunion…..)

 

Mon propos serait ce jour plutôt en relation avec les événements sociaux qui nuisent fortement à la quiétude tant fantasmée de nos territoires d’outre mer, les DOM TOM battent le tambour et rebattent l’asphalte des routes de leurs territoires, partout des femmes et des hommes expriment leur colère, des siècles de colonisation ont figé la structure sociale et économique de ces lointaines contrées, faisons au hasard et par nécessité un petit retour sur la Guadeloupe (j’ai côtoyé personnellement dans d’anciennes activités professionnelles ainsi que sur les terrains de football de nombreuses personnes originaires de ce lointain territoire)

 

Les premiers habitants de cette île seraient un peuple appelé Ciboney, puis vinrent les Huécoïdes, mais le premier peuple marquant furent les Arawaks réputés pour leur paisibilité, les Caraïbes venus du continent Sud Américain tout proche devinrent bientôt les maitres de l’île, ils étaient nettement moins débonnaires et avaient résolus les problèmes de la faim en ingurgitant sans vergogne de la chair humaine, personne n’étant parfait  ils séjournèrent cependant en maitres des lieux  qu’ils avaient d’ailleurs dénommés « Karukera » (l’île aux belles eaux), les Arawaks n’étant pas de taille ils furent massacrés à l’exception des femmes, ce qui explique que les deux langues primitives de l’île aient survécu pendant une longue période.

 

C’est alors qu’arrivèrent les Conquistadors qui dans leur quête des Nouvelles Indes entreprirent de découvrir toutes les îles aux alentours du Continent qu’ils venaient de découvrir,  Christophe Colomb mit pied tour à tour sur la plupart d’entres elles baptisant ainsi la Dominique (parce qu’elle fut découverte un dimanche) puis Marie-Galante nom de son bateau, titre phare du répertoire Voulzéen, et un jour la grande terre lui apparut il la nomma  Guadalupe (pour remercier un religieux espagnol commanditaire de son expédition issu de la congrégation de Santa Maria de Guadalupe de Estremadura).

Pendant près de 100 ans les Espagnols allaient façonner l’île, puis des Français se présentèrent envoyés dans eaux attirantes par le cardinal de Richelieu, dans tout l’imbroglio politique de cette époque et au milieu de tous ces échanges et mariages entre souverains de la vieille Europe, l’île fut vendue aux Français. Les affaires furent prises en main par la « Compagnie de Saint Christophe » menée toutes voiles dehors par quelques flibustiers normands de forte constitution, quelques temps plus tard elle devint la « Compagnie des Iles d’Amérique » .

L’histoire spécifique de la Guadeloupe allait démarrer, les propriétaires trouvant la Martinique trop montagneuse à leur goût, ils décidèrent de faire de la Guadeloupe le cœur de leur nouvelle implantation, les peuplades Caraïbes ne résistèrent pas longtemps aux envahisseurs qui après les présentations et les premiers échanges de verroterie décidèrent d’exterminer ces empêcheurs de tourner en rond , les maladies civilisées aidant il ne resta plus bientôt que quelques survivants qui furent exilés sur l’île de la Dominique.

 

Bientôt l’exploitation de richesses de l’île amena l’arrivée de migrants venus pour la plupart des provinces de l’Ouest de la France, ils venaient vendre leur force de travail à la Compagnie, ils étaient appelés « Alloués » ou plus couramment « Engagés » .

 

Mais très vite il apparut que nos compatriotes ne résisteraient pas à cette nature si différente et aux conditions de vie et de travail qui leur étaient imposés, ils mourraient très vite ou tentaient de regagner la bonne mère Patrie pendant qu’il en était encore temps.

De nouveaux arrivants se présentèrent et pas des moindres, un fort contingent Hollandais arriva, et ils apportèrent avec eux tout le sens des affaires et de l’organisation qui en faisait à l’époque un des plus puissants peuples du monde. Ils abandonnèrent les traditionnelles cultures du tabac et du cacao pour lancer de façon intensive celle de la canne à sucre, c’est à ce moment-là et dans ce contexte de développement d’un fort mouvement capitaliste que l’on voit apparaître le concept des « Békés » ces quelques blancs qui aujourd’hui encore régissent l’économie de l’île.

 

Bien vite ceux-ci durent faire face à une pénurie de main-d’œuvre, ainsi arrivèrent les premiers esclaves africains, en 1656 l’île comptait 15000 habitants environ dont 3000 esclaves africains.

Le Royaume de France reprit la main et Colbert créa la « Compagnie des Indes Occidentales », certaines grandes familles françaises qui avaient tentées d’annexer à leur seul profit le territoire furent invitées fermement à regagner la France métropolitaine (comme on ne disait pas encore).

Cependant dans la société des clivages très forts apparurent, les indigènes avaient disparus, les noirs africains ne pouvaient être qu’esclaves, et les blancs se partageaient entre gros colons (les fameux békés) et petits blancs qui bien que libres vivotaient en louant leur force de travail.

Louis XIV « le roi soleil » décida « que selon son bon plaisir » il fallait davantage régenter les règles de l’esclavage, il rédigea donc le « Code Noir »,  certains maitres, loin de Versailles, trouvèrent que celui-ci était encore trop favorable aux esclaves et de nombreuses pratiques d’accommodations locales furent mises en place. L’esprit des Lois était loin d’être respecté, et beaucoup de femmes, d’hommes et d’enfants allaient continués d’être traités comme du bétail.

En 1787 la population comptait 14000 blancs et 73000 esclaves.

Puis vint le 4 février 1794 et l’abolition de l’esclavage, à l’initiative du bon abbé Grégoire, hélas déjà l’ombre de l’aigle consulaire apparaissait  et en 1802, l’Empereur Napoléon, père du code si vil,  rétablit l’esclavage.

Tous les sangs mêlés des opprimés ne firent qu’un tour et bientôt un grand nombre d’entre eux s’enfuirent et se cachèrent où ils purent, on les surnomma les marrons, bientôt la chasse à l’homme de trait s’organisa, débutèrent alors de longues marronades, où beaucoup perdirent la vie, mais il ne fallait pas « gâcher », qui allait tailler la canne ? la plupart furent repris  et l’ordre moral et normal fut rétabli.

Vint enfin le 27 avril 1848 et l’abolition définitive de l’esclavage, le droit était établi mais la justice n’étant que l’interprétation de la loi, la culture et l’état des choses firent qu’évidemment les rênes du pouvoir et de l’économie ne furent pas transmises aux anciens parias.

On doit noter qu’au début des années 1860 de nombreux Indiens des Indes (des vraies) furent installés de force aux Antilles, ils constituaient une partie de contingents triés sur le fil et dont beaucoup échouèrent pour peupler la Réunion, les restes de la troupe étant éparpillés pour partie à Madagascar, d’autres vers la Polynésie et quelques uns (plusieurs milliers tout de même) en Guadeloupe et Martinique.

 

 

Ce n’est pas le basculement dans la fabrication du Rhum vers les années 1870 qui changea grand-chose, au contraire l’alcool distillé deviendra un allié très objectif de l’endormissement des esprits et des corps, plus besoin de fouets, de fusils, « donnes du rhum à ton homme et tu verras comme il t’aimera » dirait plus tard un barbu venu des îles grecques.

Le temps passa quelques personnalités purent parfois être reconnues dans des domaines comme l’art ou la littérature, même si certains n’évoquaient pas leurs origines pour le moins métissés, leurs talents malgré tout s’imposèrent.

1936 le front Popu fit venir à la tête des territoires Antillais Félix Eboué un Guyanais descendant d’esclaves africains, très vite cet homme su imposer son sens du dialogue et des affaires de l’Etat, commença alors une période ou la majorité des habitants se sentit compris et représenté, hélas le terrible conflit de la deuxième guerre mondiale allait interrompre ce processus, et l’oubli s’installer sur cette partie du monde.

A partir des années 1960 et la mise en place de la décolonisation, les populations d’Outre Mer allait afficher clairement leurs droits à la différence, l’Etat français réagira en proposant des aménagements administratifs et en saupoudrant quelques subsides, dont les plus importants restent en fait accordés aux métropolitains de souche qui exercent dans le cadre des services publics, au grand dam des autochtones qui n’ont pas accès pour moults raisons à ces emplois de proximité, la plupart étant condamnés à venir sur le territoire français où on leur confie les emplois les moins qualifiés et les plus contraignants dans des secteurs d’intérêt général, merci à toutes les doudous qui prennent soin de nous dans les tâches du quotidien à l’hôpital ou en maison de retraite par exemple, autres emplois proposés footballeurs ou sprinters (vous

pouvez garder les médailles- ah merci monsieur le Président).

 

Toute cette rétrospective est destinée à bien mettre en perspective les événements que nous vivons ces jours-ci , le cadre historique et social peut être transféré à la plupart de nos territoires d’outre-mer, sans doute nous ne pourrions du jour au lendemain les projeter dans une indépendance meurtrière mais des grands pas doivent être franchis car après tout le droit à la liberté des peuples existent et puis on ne voit pas vraiment encore ce que l’on a à faire dans cette galère si loin de nous.

Pour l’indépendance de l’île de Bréhat ou de l’île de Ré on verra plus tard.

Publié dans billet d'humeur

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