Vieilles lunes

Je l'ai déjà écrit : je suis une grande naïve. J'ai aussi un grand défaut : j'ai des valeurs qui datent sans doute, si j'en crois l'évolution de notre société, des siècles derniers. Quand j'apprends que l'état va dépenser 4,5 milliards d'euros, en année pleine, au bénéfice de nos heureux concitoyens qui vont accéder à la propriété, je me demande ce que vont ressentir ceux qui n'ont pas de logement ou un logement insalubre ou tout simplement un logement insuffisant au regard de leur besoin. On pourra me rétorquer que les sans logis n'ont sans doute pas accès à l'information et que n'étant pas au courant, ils n'en souffriront pas.  Ou que ceux qui ont un logement insalubre ne se préoccupent pas trop de ce qui se passe, occupés qu'ils sont à assurer leur subsistance jour après jour. Il me semble en tout cas que la priorité de notre société devrait être de s'assurer d'abord que tout le monde a des conditions de vie décentes.
Quelle valeur vieillotte donc, semble-t-il, que cette bonne vieille solidarité ! Il faut être bien rétrograde pour penser comme je le fais.
Il parait que tous les Français rêvent d'être propriétaires. Soit, mais est ce que ces mêmes personnes savent que l'aide qu'elles vont recevoir se fera au détriment de ceux qui en ont beaucoup plus besoin ? Je préfère ne pas avoir la réponse car ça me ferait trop de peine si par hasard on me disait que non seulement ils le savent mais que ça leur est parfaitement indifférent. ça me fait penser à un film que j'ai vu sur l'évolution de l'homme dans lequel un passage montrait l'attitude parfaitement égoïste d'une tribu qui avait décidé qu'elle était propriétaire (même si le mot n'existait pas encore) et chassait un groupe d'humains qui avait pourtant grand besoin de se reposer.
Bref, je m'attends au pire dans les temps qui viennent : la fameuse fracture sociale, dont on nous a souvent parlé sans jamais tenter de la réduire, va s'aggraver jusqu'au jour où il y aura tant de gens qui n'auront plus rien à perdre que la colère pourra s'exprimer.